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 Margaret Michaelis, une photographe anarchiste...

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Date d'inscription : 06/09/2005

Margaret Michaelis, une photographe anarchiste... Empty
MessageSujet: Margaret Michaelis, une photographe anarchiste...   Margaret Michaelis, une photographe anarchiste... EmptyJeu 26 Oct - 23:46

(allez, j'inaugure le renouveau du forum,

vive Bolet!

Bien frat.

Véro)



Margaret Michaelis, une photographe anarchiste



L'œuvre photographique de Margaret Michaelis est restée longtemps

méconnue. Ce n'est qu'après sa mort en 1985 que des expositions ont

été présentées au public, en particulier à l'Australian National Gallery

de Canberra en 1988 et en 2005 et à l'Institut valencià d'art modern à

Valence en Espagne en 1998. Sa vie fut mouvementée. Ses meilleures

photographies furent réalisées en Espagne pendant une courte période

(1932-1937). Ses photoreportages et ses photomontages sont une très

belle illustration de cette époque agitée.

Margaret Gross est née en 1902 dans une famille juive de Dzieditz en

Autriche (aujourd'hui Dziedzice à une centaine de kilomètres de Cracovie

en Pologne). Elle étudie la photo à l'Institut d'arts graphiques et de

recherche à Vienne. Elle sera copiste, retoucheuse et réalisera des photos

publicitaires, industrielles et de mode dans des studios à Vienne, Prague

et Berlin.

En 1929, elle rencontre Rudolf Michaelis (1907-1990) qu'elle épousera

en 1933. Né à Leipzig, il est anarcho-syndicaliste depuis son adolescence.

Il fait partie de la FAUD (Union des travailleurs libres d'Allemagne). Il

travaille au Musée d'État de Berlin où il restaure des antiquités du Proche-

Orient. Il participe également à des expéditions (Ourouk en Irak pendant six

mois en 1932 et 1933). En 1928, il a fréquenté Buenaventura Durruti lors

de son passage par Berlin. Rudolf est le leader de la GFB (Corporation des

bibliophiles libertaires), branche culturelle de la FAUD.

Margaret Michaelis ouvre son propre commerce de photo à Berlin en 1931

(Foto-gross). En 1932, elle part en voyage à Barcelone. Son hôtel est au

cœur du quartier le plus misérable, le Barrio Chino. Ses photos sont prises

à la sauvette avec un petit Leica : Gitans, marins, joueurs de cartes, enfants,

musiciens des rues. La méfiance règne dans le quartier, elle est prise pour

un indicateur de police et doit se réfugier dans son hôtel auprès de ses

compatriotes allemands. Elle écrit un texte sur cette expérience. « Ce fut

un après-midi rempli d'émotion. Arriva un accordéoniste qui s'assit devant

la pension et commença à jouer. Au bout d'un moment tous les enfants de

la rue Mediodía l'avaient entouré. Une triste et terrible image. Les

statistiques supposent qu'entre 90 et 95 % des enfants du Barrio Chino

souffrent de syphilis. De nombreux enfants avec le nez aplati, chauves,

aveugles, avec des béquilles. C'est la face obscure de Barcelone. Le Barrio

Chino est la honte de toute la Catalogne. Les enfants sont une dénonciation

silencieuse ». Et ses photos, mal cadrées, tordues sont également une

virulente critique sociale.

Avec l'arrivée d'Hitler au pouvoir, la situation devient intenable pour les

Juifs et les anarchistes. Rudolf avait participé clandestinement au congrès

de l'AIT (Association internationale des travailleurs) à Amsterdam en 1933.

Ses activités antifascistes et son refus de reconnaître l'ordre nouveau

provoquent son licenciement. Il sera emprisonné pendant cinq semaines et

libéré grâce à l'intervention du directeur du musée. Margaret sera elle aussi

arrêtée à la suite d'une curieuse histoire de vol de livre dans la librairie de

la FAUD. Margaret et Rudolf s'exilent et choisissent Barcelone comme

destination. Ils retrouvent d'autres membres de la FAUD qui forment le

DAS (Deutsche Anarcho-Syndikalisten). Ceux-ci ont alors peu de contacts

avec leurs compagnons espagnols. Ils ne parlent ni le catalan, ni l'espagnol

et vivent dans la misère. Ils sont suspects aux yeux des autorités. Dans ce

contexte difficile, Rudolf et Margaret se séparent en 1934.

Margaret Michaelis ouvre son propre studio en 1934 (foto-studio' qui

deviendra ensuite foto-elis). Elle travaille pour les architectes d'avant-garde

du GATEPAC et réalise des photos pour leur exposition Nova Barcelona.

Elle paraissent dans les revues AC (documentos de actividad contemporánea)

et D'aci e d'allà. Le GATEPAC avait un projet de réhabilitation du Barrio

Chino qui ne sera jamais réalisé. Les photos de Margaret Michaelis sont des

documents sociaux. Elles sont pleines d'énergie, les gens acceptent sa

présence et continuent leurs activités sans se soucier de l'appareil photo.

Ses points de vues sont inhabituels : plongées, contre-plongées,

compositions graphiques. Les rues sont vues d'en haut des immeubles, les

immeubles d'en bas de la rue. Par leur style, elles peuvent être rattachées

au courant de la Nouvelle photographie qui fut représenté en Allemagne et

en URSS dans les années 20 et 30. Les maisons sont sales, les façades

décrépites, les intérieurs sont pauvres et peu équipés, les cours intérieures

sont remplies d'ordures. Les enfants sont toujours malades. La situation

sanitaire est catastrophique. Dans les revues, ses photos sont accompagnées

de graphiques, de statistiques et de plans qui accentuent la dramatisation.

Un photomontage représente une figure masculine « dégénérée » du quartier

sur une vue aérienne de la ville. Un autre montage représente un enfant à la

tête tordue vu de haut sur la partie droite de la page, la partie gauche est un

texte accompagné de statistiques sur la densité de population et la mortalité.

Des flèches relient les deux parties.

En 1935, elle réalise des photos pour une exposition (Barcelona futura) qui

doit avoir lieu à Buenos Aires. Elle accompagne l'architecte José Luis Sert

et le peintre Joan Miró en Andalousie, les photos du voyage sont publiées

dans AC. Elle publie des travaux publicitaires dans Crónica et D'aci i d'allà.

Elle photographie les peintures de Miró. En 1936, pour répondre au coup

d'Etat fasciste, la révolution éclate en Catalogne. Rudolf est délégué du

Groupe Erich Mühsam qui intégrera la Colonne Ascaso, les anarchistes

allemands et espagnols se rapprochent enfin. Le DAS intègre la Fédération

locale des groupes anarchistes de Barcelone. Rudolf participe à l'occupation

du Club allemand, repaire de nazis. Margaret fait un voyage à Valence en

Aragon avec Emma Goldman, Hans-Erich Kaminsky, sa compagne Anita

Garfunkle et Arthur Lehning, secrétaire de l'AIT. Ils visitent les nouvelles

collectivités rurales. Margaret photographie les paysans et fait un magnifique

portrait d'Emma Goldman sans ses fameuses lunettes avec un regard

inflexible et une certaine gravité. A la fin de l'année, elle photographie

l'enterrement de Durruti.

Margaret Michaelis travaille en 1937 pour le Commissariat de propagande

de la Généralité de Catalogne. Ses photos nous montrent la vie quotidienne

à Barcelone. Elle fait des reportages sur la santé publique, l'aide à l'enfance,

l'industrie. Les photos sont publiées dans Nova Iberia, SIAS, puis Armas y

letras et sont probablement utilisées dans des publications anarchistes. Ce

sont des photos documentaires, elles sont descriptives, sont faites rapidement

et ne sont pas retouchées. Dans le Barrio Chino, elle photographie sans se

cacher comme en 1932, les clients des bars et restaurants. Elle est à la fois

cliente et photographe et fait parfois de la mise en scène (un voleur dérobe

le sac à main d'une cliente en pleine discussion). Ses photos du Barrio Chino

sont utilisées par le syndicat socialiste UGT. Quelques photos de Margaret

sont visibles dans une publication franquiste Homenaje de Cataluña liberada

a su caudillo. Inutile de préciser que Margaret n'a jamais donné son accord

et qu'il s'agit d'un vol.

La situation est tendue en Catalogne, les staliniens arrêtent Rudolf à plusieurs

reprises. Margaret quitte l'Espagne à la fin de l'année 1937. Après un passage

par la France, elle rend visite à ses parents en Pologne en 1938. A cette

occasion, elle photographie le ghetto juif de Cracovie, dernières images sans

doute… Elle obtient un visa pour la Grande-Bretagne puis pour l'Australie.

Elle arrive à Sydney en 1939. Rudolf avait intégré l'armée républicaine et

pris la nationalité espagnole. Après la défaite, il passe en France puis

retourne clandestinement en Espagne. Arrêté, il restera en prison jusqu'en

1944.

En Australie, Margaret Michaelis adopte un profil bas. Les émigrants de

langue allemande étaient mal vus et surveillés. Elle va cacher jusqu'à la fin

de sa vie ses photos réalisées en Espagne. Elles les tenaient en très haute

estime mais ne les montrait pas et n'en parlait pas. Elle évitait sans doute de

parler de cette époque qui avait précédé l'Holocauste qui fit disparaître sa

famille. En 1940 , elle ouvre le Photo Studio. Les photos qu'elle réalise sont

des portraits de studio conventionnels qui n'ont rien à voir avec son travail

antérieur. Son travail est uniquement alimentaire : elle photographie des

artistes, des danseurs et des écrivains et abandonne toute photo d'extérieur.

Le studio fermera en 1952 à cause des problèmes de vue de Margaret.

En 1960, elle épouse Albert George Sachs et travaille avec lui dans son

commerce de cadres et de vitres à Melbourne. Elle pratique la peinture et le

dessin en amateur. Elle s'intéresse alors à la psychologie de Jung et au

bouddhisme. Elle rend visite à Rudolf en 1967 qui vit avec sa famille à

Berlin-Est et restera en correspondance avec lui jusqu'en 1975. Elle meurt

en 1985, ses archives écrites et photographiques sont données à la National

Gallery d'Australie.

Sources :

Margaret Michaelis: fotografía, vanguardia y política en la Barcelona de la

República : IVAM, 15 octubre 1998-3 enero 1999. Valencia, IVAM,

Barcelona, Centre de cultura contemporània de Barcelona, 1998. 175 p.

ISBN: 84-482-1926-0

Margaret Michaelis : Australian National Gallery, 26 November 1988-19

February 1989. Australian National Gallery, 1988. 4 p.

Felip EQUY, juin 2000

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